vendredi 22 mars 2013

Racines

C'est une très vieille ferme qui ne voit plus passer les chevaux. Dans sa petite étable, sous la cuisine, c'est une voiture que l'on range désormais. Une seule voiture, le reste de la place, muré et isolé, a été converti en "boîte de nuit". Une boule à facettes au plafond, le reste d'un vieil électrophone, et aux murs, en lettres de papier découpé, les noms des vedettes dont les accords résonnent encore. Je me souviens précisément d'y avoir lu Sacha Distel.

Avant le dîner, on va chercher l'eau à la source, en haut du chemin. Le tuyau auquel on se sert a dû être conçu par Léonard de Vinci tellement il est ingénieux. Si vous le bouchez avec la paume, l'eau jaillit par un petit trou pratiqué au-dessus : on peut y boire sans se baisser.

Au retour, on cueille un oignon du potager. Je le partagerai avec mon père, simplement accomodé d'une vinaigrette rapidement montée par sa grand-mère, qui écoutait les grandes ondes de RMC sur un transistor monumental "Parce que, ce soir, on reçoit rien à la télé, il y a des nuages".

Le séjour, au premier étage entre la cuisine et la pièce de la télévision, justement, n'a pas de vitres. Il fait froid, on accroche les panneaux de bois avant de déplier la carte de la région sur la grande table à la toile cirée jaune.

Nous serons dans les Alpes demain. C'était une bonne idée de faire ce détour, depuis le temps que tu me parlais de cette maison, Papa. Mais allons nous coucher. Les draps de coton m'écrasent réellement tant ils sont lourds et humides. Sans compter l'édredon. En plein été ? Oui. Il y a une cascade derrière la maison, et sa fraîcheur traversera les boiseries de la fenêtre.

Le lendemain matin, avant de reprendre l'autoroute, nous ferons un tour en voiture. Jusqu'à ce vieux pont de pierres, jusqu'à ce village aux murs crevés ornés d'une enseigne jaune indiquant le téléphone public. J'ai eu raison de m'asseoir à l'arrière. Je n'aurais pas voulu que Papa voie mes yeux devenir rouges.

Originellement publié le 4 août 2006

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