samedi 26 octobre 2019

Colin-Maillard

Ce que l'on aime, c'est ce que l'on voit.
Ce n'est pas forcément un secret, mais nous sommes tous prêts à mentir plutôt que l'avouer. Parce que ce serait reconnaître que la fameuse "beauté intérieure" derrière laquelle s'abritent les moins jolies (et les plus idéalistes) nous laisse indifférents. Dictature de l'apparence, immaturité, superficialité... Oui tout cela est vrai, et bien plus encore. Ce sont là nos défauts, voire nos crimes à en croire certaines, et tellement monstrueux que le sujet n'est pas épuisé, promettant encore de belles années aux éditorialistes des magazines féminins.

Oui nous sommes comme ça, nous, les hommes. Il nous faut être émus pour aimer, émus par un visage, par un sourire, par la courbe d'une hanche ou le galbe d'un sein... Bref, émus par quelque chose de concret. Pourtant parfois, on peut être émus sans voir ! Il nous suffit d'une impression, comme un sourire entendu au téléphone qui rend une voix encore plus émouvante. L'image se créée et l'alchimie opère. Alors oui, on peut aimer sans voir. Mais peut-on aimer après avoir vu ? C'est selon...

C'est probablement atavique, et c'est cela qui nous fait perpétuer l'espèce. Dans le règne animal, le rôle du mâle s'arrête généralement à l'insémination. Que l'on parle du premier poisson rouge venu comme du plus noble des oiseaux de proie, quel est son rôle une fois la femelle séduite et la transmission du patrimoine génétique accomplie ?
Cela semblera peut-être du dernier goujat, mais nous ne perpétuerons aucune espèce si la partenaire ne nous en donne pas envie : cela tient à la sélection naturelle. Nous avons lu Darwin, et nous nous faisons un devoir de confirmer sa théorie.

Tout de même, précisons : l'humain est, à la différence des animaux, capable d'amour. N'allez pas croire que nous ne nous intéressons qu'à la surface des choses. Oui, nous sommes capables d'inséminer qui que ce soit qui réponde à nos critères esthétiques - et qui soit du sexe opposé, mais nous sommes également sélectifs en amour.

Le processus du choix de notre partenaire est donc simple : elle doit d'abord nous plaire, esthétiquement parlant. Ensuite des critères moins terre-à-terre comme la gentillesse, l'intelligence, l'humour, la douceur etc. ne conditionnent froidement qu'une chose : la durée potentielle de la relation, qui peut aller d'une semaine à une vie.

En revanche, pour ce que nous savons des femmes, l'émotion première n'est pas mesurable avec notre échelle de valeurs virile. Sinon, on ne se demanderait pas si souvent ce que "une fille comme elle fait avec un mec comme lui". Ce que vous recherchez, Mesdames, nous aussi nous le cherchons... Pour comprendre ! A vous entendre, cela n'aurait que peu de choses à voir avec l'aspect esthétique, ce qui vous permet au passage de nous reprocher notre immaturité, notre superficialité etc. (voir plus haut).
Les anthropologues nous apprennent que la sélection que vous opérez repose sur des données génétiques. Vous rechercheriez un partenaire ayant du pouvoir (le fameux mâle dominant de la meute), parce qu'il doit ce pouvoir justement à un ADN de choix, qui lui a conféré des avantages adaptés à son environnement. Ca, c'est pour la raison.
Du côté coeur, ce qui vous émeut, c'est lorsque nous nous révélons. Est-ce faire appel à votre instinct maternel ? Quoi qu'il en soit, lorsque nous nous montrons sensibles, lorsque nous nous confions, nous levons un peu le voile. Et là... On vous touche !

Parce que se dévoiler, c'est un peu se montrer faible, c'est faire bas les masques et bas les armes. C'est révéler aussi tout ce que vous bouleversez en nous. C'est vous avouer ces nuits passées à nous demander ce que signifiait ce sourire que vous avez eu, ce mot que vous avez choisi plutôt qu'un autre, cette dentelle que vous nous accordez en vous penchant vers nous, volontairement ou pas...? C'est vous faire deviner que l'on crève d'amour pour vous parce que vous avez ce quelque chose qu'on ne sait pas expliquer, mais qui nous fait mal de ne pas avoir le droit de vous prendre dans nos bras.
C'est vous dire que vous êtes si parfaite que, même moi, le superficiel, l'immature, j'ai plus envie de vous serrer contre moi que de vous faire l'amour.

A quelques nuances près, ça marche comme ça les hommes et les femmes. Un Colin-Maillard sans fin. S'attirer sans se laisser saisir, et se laisser saisir à dessein.

C'est pour cela que les femmes sont belles. Et c'est pour cela que Yves leur écrit.