mercredi 16 juillet 2008

La dernière noce

J'ai été le premier, il est le dernier. Avec lui c'est toute une génération, ma génération, qui achève doucement sa révérence pour reculer d'un pas. Nous ne sommes déjà plus les plus jeunes, et les plus anciens ne sont désormais pas très âgés.
La mécanique a donné un nouveau tour de roue, et même les plans de table le prouvent. Autour de moi, les visages vieillis des soeurs du marié, mes cousines, anciennes camarades de jeux de mon enfance à chacun des rendez-vous familiaux qui l'ont émaillée. Nous parlons de nos propres enfants, nous parlons travail, nous nous inquiétons de l'état de santé de cette relation que nous avons en commun.
Et pendant que l'on s'amuse à la table des petits, je prends conscience de l'effet qu'aurait sur eux notre conversation. C'est une discussion de grands, intelligente puisqu'elle utilise des mots compliqués, rébarbative puisqu'il n'y a pas de quoi rire. Une discussion dont on comprend les mots sans comprendre le sens, une discussion presque ésotérique, comme celle que mes parents avaient. Avant.

Sans m'en apercevoir, je suis désormais devenu capable de ces échanges. Je suis maintenant de l'autre côté. Du côté de ceux qui restent à table et qui autorisent à aller jouer, de ceux qui distribuent une précieuse obole pour alimenter le jeu d'arcade. Ceux qui guident les plus petits et soutiennent les plus anciens.

Finalement, ça n'aura pas été si difficile de devenir un adulte. C'est comme passer son bac, se rencontrer, se marier, fonder sa famille. C'est dans l'ordre des choses, ça vient tout seul. Dans ces conditions, la vie pourrait être assez simple. Tellement simple que l'on peut être tenté de se laisser porter par le temps. C'est même rassurant de se le dire, de penser que les choses se déroulent toutes seules, avec ou sans notre intervention, nos consignes et nos conseils.

Mais je suis de ceux qui restent à table.

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